CHAPITRE III
Le lendemain matin, Obi-Wan put constater que, grâce aux techniques de soins Jedi et aux merveilleux onguents du Temple, ses plaies et ses brûlures avaient disparu. Mais la douleur qui étreignait son cœur restait la même. Il avait peu dormi et s’était réveillé bien avant l’aube.
Il fit ses adieux à Garen Muln et à Reeft, des garçons venus de deux secteurs opposés de la Galaxie qui, au fil des années, étaient devenus inséparables.
Pendant le petit déjeuner, Reeft, un Dresselien au visage ridé comme une vieille pomme, ne cessa de répéter à toute la table : « Je ne veux pas passer pour un goinfre, mais… tu me donnes ta viande ? » ou « Je ne veux pas passer pour un goinfre, mais… » alors qu’il regardait ostensiblement un gâteau ou un verre plein. Obi-Wan n’avait pas dîné la veille, mais il partagea malgré tout sa part avec son ami. Bant lui donna gentiment la moitié de son gâteau. Avec sa peau tannée, le Dresselien prenait un air affreusement triste quand il n’avait pas assez à manger.
– Ce n’est pas si grave, dit Garen Muln à Obi-Wan. Au moins, tu vas vivre une grande aventure.
– Et tu verras passer des tonnes de nourriture, ajouta Reeft, plein d’espoir.
– Qui sait où nous finirons, tous autant que nous sommes…, soupira Bant. Chacun d’entre nous aura une mission différente.
– Et inattendue, renchérit Garen Muln. C’est ce que dit Yoda. Tout le monde n’est pas fait pour devenir apprenti.
Obi-Wan acquiesça. Il avait bien fait de donner presque tout son repas à Reeft. Il était incapable d’avaler une bouchée. Ses amis voulaient lui remonter le moral, il le savait, mais ils conservaient toutes leurs chances de devenir Jedi, eux. C’était pour cela qu’ils s’entraînaient sans relâche ; c’était le but de leur vie, le plus grand des honneurs.
À la table de Bruck, on parlait à voix haute.
– J’ai toujours su qu’il n’y arriverait pas, fit Aalto, son meilleur ami.
Bruck émit un gloussement railleur. Obi-Wan sentit ses oreilles devenir brûlantes. Il se retourna : son adversaire le défiait du regard.
– Ne t’occupe pas de lui, fit Bant d’un ton apaisant. C’est un idiot.
Obi-Wan se retourna pour finir son repas. C’est alors qu’un gros fruit Barabel noir s’abattit sur la table, près de son assiette. Son jus épais éclaboussa Bant et Garen Muln. Obi-Wan jeta un regard noir à Bruck, qui avait traversé la moitié de la salle pour mieux viser.
– Tu pourras planter ses graines, Lourdaud. On dit que ça pousse à peu près n’importe où.
Obi-Wan allait se lever de sa chaise, mais Bant posa une main sur son bras pour tenter de le calmer. Il sourit alors à Bruck en faisant de son mieux pour se contrôler. « Il veut me mettre en colère. Il espère me faire sortir de mes gonds. Combien de fois m’a-t-on manipulé de cette façon ? J’y ai laissé ma dernière chance de devenir Padawan. »
Il refoula la rage qui bouillonnait en lui et continua de sourire à Bruck.
C’est alors que Reeft marmonna :
– Je ne veux pas passer pour un goinfre, mais… tu vas manger ce Barabel ?
Obi-Wan faillit s’étrangler de rire. Il ramassa le fruit écrasé et le tendit à son ami.
– Merci, Bruck, dit-il. Le peuple de Bandomeer sera très honoré lorsque je partagerai ton cadeau avec lui. Entre fermiers, on se sert les coudes.
Dans la plus haute salle du Temple, Maître Yoda s’entretenait avec les plus anciens membres du Conseil Jedi. Ils méditaient dans une vaste serre, la Salle aux Mille Fontaines, où des chutes d’eau cascadaient au milieu d’une forêt d’émeraude.
À l’extérieur, la surface de Coruscant disparaissait derrière des nuages noirs, annonciateurs de tempête.
– Autoriser Obi-Wan à combattre devant Qui-Gon Jinn, vous devez, dit Maître Yoda alors qu’un éclair sillonnait les cieux. J’en ai eu la vision.
– Quoi ! s’écria le Conseiller Mace Windu.
C’était un homme bien bâti arborant une peau sombre et un crâne rasé. Il fixa Yoda de ses yeux perçants comme un laser.
– À quoi cela servirait-il ? Une fois de plus, Obi-Wan a prouvé qu’il était incapable de contenir sa colère et son impatience. Et Qui-Gon Jinn n’a plus envie de s’encombrer d’un Padawan capricieux.
– Exact, répondit Yoda. Ni Obi-Wan ni Qui-Gon ne sont prêts, j’en conviens. Mais de rassembler le Maître et l’élève la Force pourrait bien se charger.
– Oubliez-vous ce qui s’est passé hier soir ? demanda Mace Windu. Obi-Wan a battu Bruck, si je ne m’abuse ?
Yoda agita la main. Un droïde arbitre surgit de derrière les buissons.
– Droïde d’entraînement avancé Jedi 6, assisté au combat, vous avez, fit Yoda.
– Le cœur d’Obi-Wan battait à soixante-huit pulsations par minute, rapporta le droïde. Son torse était tourné vers le nord-est selon un angle de vingt-sept degrés, la main droite tendue vers le bas, enserrant son sabre d’entraînement. Sa température corporelle était de…
Mace Windu soupira. S’il le laissait continuer, le droïde mettrait une heure rien que pour décrire la façon dont Obi-Wan avait traversé la pièce.
– Qui a provoqué ce combat ? coupa Mace Windu. Qui a dit quoi, et que s’est-il passé ensuite ?
Le droïde DEAJ 6, interrompu, émit un bourdonnement indigné. Mais lorsque Mace Windu lui jeta un regard noir, il préféra raconter la façon dont Bruck avait provoqué Obi-Wan pour le pousser au combat.
– Donc, nous avons un élève fourbe et un autre stupide. Que proposez-vous, Yoda ? demanda Mace Windu.
Le Maître cligna les yeux.
– À chacun d’entre eux, une chance d’échouer à nouveau nous allons donner.